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De l’instance en cours à la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire

Affaires - Commercial
14/06/2021
L’ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur interrompt l’instance en cours jusqu’à déclaration de sa créance par le créancier – en l’espèce, le propriétaire du local commercial loué – et mise en cause du liquidateur, cette instance tendant ensuite à fixer la créance au passif de la procédure collective. Est censuré l’arrêt qui fixe la créance à un certain montant sans constater que le créancier avait déclaré sa créance et en avait justifié.
Il résulte de l’article L. 622-22 du code de commerce que "lorsqu'une instance est en cours, l'ouverture d'une procédure collective emporte interruption d'instance jusqu'à déclaration de sa créance par le créancier et mise en cause du mandataire judiciaire ou du liquidateur, l'instance tendant ensuite à fixer la créance au passif de la procédure collective du débiteur".
 
Dans la présente affaire, la Cour de cassation se prononce au visa de ce texte, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du code de commerce.

Créance liée à la location du local commercial

En l’espèce, Mme X…, propriétaire du local d'exploitation de la SARL Z…, dirigée par M. Y…, avait fait assigner ce dernier devant le tribunal de grande instance, le 4 décembre 2012, pour obtenir son expulsion et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation. Alléguant l'exploitation du local, la société Z… était intervenue à la procédure. Sur appel de la décision du tribunal de grande instance, l’arrêt de la cour d’appel du 28 janvier 2015, ayant déclaré l'intervention volontaire de la société Z… recevable et reconnu l'existence d'un bail commercial entre celle-ci et Mme X…, la cause avait été rétablie devant le tribunal ; la propriétaire avait demandé la remise en état, sous astreinte, du local et le paiement d'un nouveau loyer mensuel, ainsi que la fixation de sa créance à la somme de 27 360 euros.
 
La société Z… ayant été mise en liquidation judiciaire le 19 septembre 2016, le liquidateur avait fait constater la résiliation du bail commercial et invité la propriétaire à déclarer sa créance. Par jugement du 9 avril 2018, le tribunal avait constaté la résiliation du bail et fixé la créance de Mme X… dans la liquidation judiciaire de la débitrice à la somme de 27 360 euros.
 
Reprochant au jugement d’avoir admis la créance pour ce montant, le liquidateur avait interjeté appel en demandant qu’elle soit fixée au passif de la liquidation à la somme de 216,26 euros, correspondant au montant de la créance déclarée entre ses mains : il n’était pas prouvé que Mme X… ait procédé à une déclaration de créance au titre des sommes dont elle poursuivait le paiement avant le jugement de liquidation judiciaire du 19 décembre 2016.
 
Déclaration de créance non établie
 
Pour confirmer le jugement, la cour d’appel, tout en relevant que la preuve de la déclaration de sa créance par Mme X… n'était pas rapportée, a retenu que la fixation d'une créance n'emporte pas son admission et que le jugement qui n'a admis au passif de la procédure aucune créance ne peut être réformé (CA Bastia, ch. civ., sect. 2, 13 nov. 2019, n° 18/00364, Lamyline).

Le liquidateur et la société débitrice ont porté le litige devant la Cour de cassation, faisant valoir que l'état succinct des créances mentionne une créance exigible au 1er septembre 2016 pour 216,25 euros déclarée au 1er septembre 2016 qui a été admise, mais aucune créance postérieure pour 27 360 euros ou pour un quelconque montant auquel la créance aurait pu être évaluée.
 
La Haute juridiction désapprouve la cour d'appel, qui n'a pas donné de base légale à sa décision : l’arrêt est cassé – sauf en ce qu'il constate la résiliation du bail commercial – et les parties sont renvoyées devant une autre cour.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur les instances en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, se reporter au n3721 de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit